jeudi 6 décembre 2007

Grenelle : après l'environnement, la culture...

"Augmenter et protéger le budget consacré au Ministère de la culture sans jouer sur les périmètres", dixit le programme présidentiel de Nicolas Sarkozy. Sauf que les porte-paroles du monde du spectacle (toutes disciplines confondues: théâtre, danse, musique, public, privé, etc.) le voient d'un autre oeil. Selon eux, les promesses budgétaires en matière de culture ne sont pas tenues. Un Grenelle de l'environnement? Et pourquoi pas un Grenelle de la culture pour 2008!

Voici comment un article de Libération résumait récemment le problème: "La première faille était intervenue lors de la publication au mois d’août de la «lettre de mission» de Nicolas Sarkozy à Christine Albanel. Le président de la République y insistait sur «l’obligation de résultat» des structures subventionnées, sur la nécessité pour elles de présenter des œuvres «répondant aux attentes du public». Il établissait un lien entre versement des subventions et «popularité» des «interventions». Et il insistait sur le fait qu’un bon ministre «ne se reconnaît pas à la progression de ses crédits mais à ses résultats»." On reconnait bien là notre Président qui, malgré toutes ses qualités, s'évertue à considérer que sans résultat, point de salut (il en va apparemment de la culture comme de la répression policière).

Selon le même article de Libération, les signataires d'une lettre au Président rappellent à ce dernier la baisse de 17,5% du budget alloué à la démocratisation de la culture, et d'une baisse, encore, de 0,5% du budget destiné à la création. François le Pillouër, président du Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles), déplore l'incapacité du gouvernement à tenir ses promesses. Christine Albanel promettait ainsi une augmentation du budget de la culture de 3,2%. La réalité se situe, selon selon lui, "entre 0 et - 0,5%". Selon lui toujours, "trois budgets comme celui de 2008 et l'on pourrait avoir une baisse cumulée de 20%".

Faites du chiffre, donc. Des bénéfices. Ne nous risquons surtout pas à tenter l'ombre d'une réforme. Le hasard fait bien les choses: il se trouve que la moitié des auteurs de ce blog brainstorment leur possible afin d'identifier les problèmes symptomatiques de la crise que connaissent actuellement les séries TV. Qu'apprend-t-on? Celle-ci ne serait pas due à quelque résultat lacunaire (les séries TV font pour la plupart de l'audience, certaines se vendent bien à l'étranger, et les aides à la création culturelle ne manquent pas), mais résulterait plutôt d'une vacuité, d'un abandon, d'un déni (appelez cela comme vous voulez) de la capacité française à créer. C'est ce simple mot qui qui gêne, qui fâche aujourd'hui. Il est bien légitime que les créateurs français s'insurgent des coupes budgétaires qu'ils subissent (qui ne le ferait pas?). Mais aujourd'hui, cela ne peut plus masquer la nécessité d'une remise en cause qui est d'un autre ordre: comment mériter ce budget? En d'autres termes: qu'est ce que les artistes français ont à dire aujourd'hui?

Pour reprendre l'exemple des séries TV, l'on peut féliciter La Commune, nouvelle série de Canal+ dont l'auteur de ces lignes a vu les deux premiers épisodes. Malgré la narration inspirée (c'est un euphémisme) de la série américaine Oz, l'on se sent tout de suite chez nous avec cette peinture bien française d'une société fragile et instable. Mais soit. Contrairement à L'Etat de Grace qui a subi l'échec qu'elle méritait amplement (une femme à la tête de l'Etat qui ne fait pas de politique mais souffre de ses problèmes intimes, autant dire que tout le monde s'en fiche), La Commune , sans être un chef-d'oeuvre, apporte peut-être quelque chose de nouveau dans le paysage cathodique français: enfin, la production télévisuelle s'attaque aux problèmes politiques de la France en choisissant le thème polémique de la banlieue. La seule initiative, peut-être pas inédite mais dotée d'une dimension nouvelle, mérite assurément le détour.

PS: quittons maintenant nos frontières. Ce n'est pas un film français (j'en ai vu très peu ces derniers temps) mais force est de (modestement) reconnaitre le talent là où il est. Courez voir "We Own The Night - La Nuit Nous Appartient", le dernier James Grey (auteur il y a quelques années de "The Yards", avec les mêmes têtes d'affiche - Joaquin Phoenix et Mark Wahlberg, déjà annonciateur d'un incontestable talent). Bien que je n'aie pas vu beaucoup de nouveautés cinématographiques ces derniers temps, je serais prêt à parier que c'est le film de l'automne. Sans doute meilleur que le dernier Ridley Scott ("American Gangster", rebattu, décevant) et même un cran au-dessus du dernier David Cronenberg ("Les Promesses de l'Ombre", pourtant excellent lui aussi). Si les acteurs de "La Nuit Nous Appartient" ne vous émeuvent pas, si le traitement savamment distillé et totalement maitrisé de thèmes pourtant archi-classiques ne vous bouleverse pas, alors peut-être la musique du compositeur polonais Wojchiech Kilar lors de la dernière scène, rédemptrice, réussira-t-elle à vous convaincre. Car elle est à l'image du film: sa force n'a d'égale que sa sobriété. Un des meilleurs films américains depuis "Children of Men - Les Fils de l'Homme" du surdoué Alfonso Cuaron.

E.S.

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