mercredi 5 décembre 2007

Culture et sport, le mélange des genres

L’heure est au mélange des genres. Et en particulier, à celui de la culture et du sport.
Les parentés entre l’économie de la culture et celle du sport sont d’ailleurs loin d’être négligeables. En premier lieu, les deux catégories d’activités reposent sur certaines modalités de valorisation des talents, sur le poids du star system et de son corollaire, la polarisation des rémunérations entre les vedettes et tous les autres. Il faut aussi mentionner l’importance de la compétition, et la coexistence entre amateurs et professionnels. Les arts et le sport ont en commun la part montante du spectacle et de l’évènementiel, avec des tarifs parfois prohibitifs. Dans les deux cas, les modèles d’affaires reposent en large partie sur la gestion de droits et la vente de produits dérivés. Certains spectacles vivants, ceux qui rassemblent des publics massifs et populaires malgré des prix des billets singulièrement élevés, partagent avec les compétitions sportives les mêmes lieux de représentation.

Il faut ajouter la forte présence dans les médias du sport et de la culture, l’internationalisation des activités, et la recherche de retombées économiques pour les villes ou les pays dans lesquels se déroulent les compétitions ou se développent les activités culturelles et artistiques.

Dernier élément, la création d’emplois est loin d’être insignifiante : plus de 300 000 personnes travaillent en France dans le domaine du sport, et près de 450 000 sont employées dans des activités culturelles, sans compter la part du bénévolat.

Sport et art, le mélange des genres se déroule sous nos yeux. Après tout, ne parle –t-on pas d’arts martiaux? Le sport, pratiqué sous certaines formes, serait à ranger du côté des arts. Mais c’est bien sous l’angle de la marchandisation que la parenté se manifeste le plus souvent. Deux cas récents l’illustrent clairement.

Le premier est un film de cinéma, qui met en image tout l’art –si je puis dire- de Zinedine Zidane, sous le titre «Un portrait du XXIe siècle» ; il a été réalisé par deux artistes contemporains, le Français Philippe Parreno et l’Ecossais Douglas Gordon. Le journal The Arts Newspaper nous apprend que le film a été acheté par le Musée Guggenheim à la foire d’art contemporain de Bâle.

Le second exemple se déroule dans le nord de l’Italie. Le président de l’équipe de football de la ville de Carpi, l’homme d’affaires Fausto Salami, vient d’imprimer des tee-shirts, pour son équipe, dans sa propre usine. Et que voit-on sur les tee-shirts ? La façade du musée des beaux arts local, le Palazzo dei Pio. L’objectif, paraît-il, est de montrer (je cite un représentant du musée) « les liens très forts entre la culture de la ville de Carpi et son équipe de football » !

Mais il faut prendre la mesure de ce que l’offre sportive peut aussi devenir la source d’une concurrence sévère avec l’offre culturelle. Le sport à la télévision est un produit d’appel pour les annonceurs. Les télévisions en savent quelque chose, lorsqu’elles acceptent de payer à prix d’or les droits de retransmission des grandes rencontres sportives (la Ligue de football professionnel va lancer son appel d'offres pour la retransmission des championnats de 2008 à 2012 ; Canal+ s'en était assuré l'exclusivité pour trois saisons pour 600 millions d’euros par an, au titre de la précédente enchère). Ce financement par la télévision accentue le vedettariat, la survalorisation de certaines disciplines au détriment des autres ; et par la ponction qu’il constitue sur le budget des chaînes, il réduit mécaniquement les sommes (et le temps d’antenne) allouées à des programmes plus culturels.

Il y a un autre aspect de cette concurrence entre le sport et la culture. Le consommateur ne peut s’offrir un spectacle culturel et un spectacle sportif. 69% des Français ne se rendent jamais à un spectacle, quelle qu’en soit la sorte. 18% y vont une fois dans l’année, et 11% plus d’une fois. Le prix des billets d’entrée subit un trend inflationniste, certes différencié selon les genres de spectacles. A la veille de Noël, pour une sortie en famille, il faut choisir entre le foot et le spectacle; les grands stades l’ont compris, qui jouent sur les deux catégories. Bref, le sport et les arts, amis occasionnels, se retrouvent fréquemment en concurrence frontale.

CS

1 commentaire:

MT a dit…

tout a un prix! l'art tel qu'il est courament entendu n'est pas gratuit: l'art des musées, l'art "à la mode" ou des grands courants de modes ont de la valeur et son sources de richesse: l'art est un placement lorsqu'on a une petite fortune. L'art est aussi un domaine spéculatif. Le sport peut être moins spéculatif, même si les investissements sont plus colossaux, car les retours sur investissements sont meilleurs et plus rapides: l'art est qque chose de moins tangible.
Mais quoiqu'il en soit, il y a art et art: l'art qu'on nous vend par la mode ou les courants de mode, et l'art tel qu'on le ressent et qu'on le voit lors des expositions ouvertes par des artistes en herbe. La beauté est qque chose de très subjectif...et l'art c'est aussi ça!