vendredi 7 mars 2008

Ca va saigner pour le mythe américain


There Will Be Blood (P.T. Anderson) est le dernier chef d'oeuvre d'un cinéma américain qui sait prouver ses qualités en ce début d'année 2008 (la précédente réussite est récente : No Country for Old Men des frères Coen, qui talonne TWBB).


Ce film est à voir, surtout pour ses qualités artistiques : mise en scène surprenante (de la fresque Sergio Léonienne maîtrisée au quasi-vaudeville volontairement caricatural de la dernière scène), jeu des acteurs (l'Oscar de Daniel Day Lewis est ô combien mérité) musique de Jonny Greenwood (du groupe Radiohead), brute et aride à l'image du film, entrecoupée de pièces composées par Brahms et Arvo Part (compositeur contemporain), photographie (Oscar également), etc.

En outre, l'intérêt du film réside dans ses thématiques.

D'abord, et à l'instar de No Country for Old Men, il dépeint l'incompréhension d'une génération dépassée et confrontée à la nouvelle qui, elle, a saisi les rouages du futur. Ensuite, il est difficile de ne pas y voire poindre une critique du système américain, alors même que le film est américain. Mais ce n'est pas nouveau puisque la politique extérieure et la gestion des conflits (Three Kings - Les Rois du Désert par exemple) aussi bien que la société (Mystic River) américaines sont décrites de manière critique par un cinéma américain qui, loin d'être "hollywoodien", s'avère discrètement subversif.

Dès lors, impossible de ne pas reconnaître dans There will be Blood certains traits caractéristiques de notre temps qui conditionnent un pan de la politique américaine contemporaine. Brièvement : argent, pétrole, religion. A cet égard, l'excellente scène de la pseudo-confession nécessaire à l'acheminement du pipeline résume à elle seule le sacrifice de la morale à la prospérité économique. Plus généralement, il suffit d'observer les motivations prioritaires du prospecteur pétrolier Daniel Plainview, le personnage principal : celui-ci n'est pas intrinsèquement mauvais, il a laissé son âme se corrompre, se gangréner. D'autre part, les méthodes du personnage interprété par Paul Dano (le prêtre Eli, opposant latent de Plainview) évoquent assez évidemment celles de l'Eglise évangéliste, bien que celle-ci ne soit pas explicitement citée.

3 commentaires:

The MagPie a dit…

ça donne envie d'aller au ciné... enfin un bon film us anti-américain !

Julian a dit…

ce film est excellent et, même s'il met le doigt sur certains aspects sombres de la culture US, ce n'est pas un film anti-américain !

on voit clairement que le rêve américain a un prix, et qu'il est parfois bien élevé puisque Daniel Plainview a dû vendre son âme au diable pour réussir et prospérer.

la scène où Daniel se fait baptiser est excellente et les deux acteurs qui jouent Daniel et Eli sont remarquables.

(ce post est très bon, merci de le signer.)

Rick a dit…

merci Julien pour ton commentaire sympathique et encourageant.
c'est vrai, j'ai oublié de signer: Erick S.