vendredi 23 novembre 2007

Le jeu vidéo tente de confirmer son statut de produit culturel

Le jeu vidéo est le premier produit dit « culturel » en France, surpassant les secteurs de la musique et du cinéma. Jusqu’alors, l’industrie française du jeu vidéo bénéficiait de deux dispositifs fiscaux ayant pour vocation de soutenir l’innovation et la recherche dans ce secteur : le Crédit d’impôt recherche (CIR) créé en 1983 et le statut de Jeune entreprise innovante (JEI) créé en 2004, ces deux aides visant à soutenir la Recherche & développement des entreprises concernées et prenant en compte ce facteur comme critère de sélection. Depuis 2005, une nouvelle aide est en projet, qui, elle, prend en compte le caractère culturel qu’affirme revêtir le jeu vidéo.

Le Crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV), élaboré dans le cadre de la loi audiovisuelle du 5 mars 2007 apporte une double nouveauté (cf. Article 37). Premièrement et comme son nom l’indique, il concerne spécifiquement l’industrie du jeu vidéo. Ensuite et surtout, il signifie la prise en considération du facteur culturel par les législateurs français et européen. Ainsi, le CIJV se différencie des deux aides précédentes puisque la R&D cesse d’être requise comme facteur déterminant, même si dans le fond c’est bien de cela qu’il s’agit : exonérer les concepteurs de jeu vidéo d’une série de charges pour favoriser leur innovation et leur développement, afin qu’ils subsistent sur un marché mondial très concurrentiel (évalué autour de 35 milliards de dollars et amené à atteindre les 50 milliards vers 2010) et à croissance soutenue (environ 14% par an), face à la concurrence étrangère (à noter également : le coût de production d’un jeu vidéo en France est 50% plus élevé qu’aux Etats-Unis et au Japon). Tout ceci pour pallier à la crise que connait le secteur du jeu vidéo en France depuis 2002 : délocalisations, envolée des coûts de développement, réduction de la moitié des emplois...

Selon la récente loi, 50% au moins du budget de production du jeu doivent être alloués aux « dépenses artistiques » pour que celui-ci soit éligible, et les jeux sont sélectionnés sur un « critère culturel », ce qui constitue une évolution dans la manière de concevoir le jeu vidéo. Les critères d’éligibilité, qui proscrivent évidemment toute pornographie et toute violence exacerbée (tout un pan des jeux vidéos se retrouve ainsi hors jeu) sont les suivants :
« 1° Etre adaptés d'une œuvre préexistante du patrimoine culturel européen à partir d'un scénario écrit en français ou reposer sur une narration et se distinguer par la qualité et l'originalité de leur concept, ainsi que par leur contribution à l'expression de la diversité culturelle et de la création européennes en matière de jeu vidéo ; l'évaluation de ce dernier critère comprend en particulier l'examen de l'originalité de la narration et du scénario, qui doivent être écrits en français, de l'intensité ludique, de la navigation, de l'interactivité et des composantes visuelles, sonores et graphiques ; […] » Théoriquement, il n'est donc pas question de financer le développement de jeux de course ou de combat.

Le 20 décembre 2005, la Commission européenne a pris en compte la requête du CIJV formulée par le CNC (Centre national de la cinématographie), lui même déjà auteur d’un Fonds d’aide à l’édition multimédia (FAEM) cofinancé par le Ministère délégué à l’industrie et celui de la culture et de la communication et en partie dédié à aider les créateurs de jeux vidéos depuis 2003. Encore faut-il que la Commission européenne valide le projet, pour qu’ensuite un décret français l’entérine et ce le 1er janvier 2008 au plus tard. Car, de même que les aides déjà existantes sont complexes d’utilisation (elles nécessitent une promotion intensive de la R&D pour justifier leur recours), le CIJV risquerait d’entraîner des désavantages concurrentiels et il serait intéressant de voir comment développeurs et éditeurs s'efforceraient dans la pratique de vendre leur jeu comme « adapté d'une œuvre préexistante du patrimoine culturel européen ». Justement, les jeux qui se vendent le mieux sont loin de répondre à ce critère. Le CIVJ verra-t-il alors son champ d'application étendu ?

Finalement, le CIJV pose la question de ce qui peut être « objectivement » et juridiquement considéré comme appartenant au domaine de la culture et de l’Art (bien que le jeu vidéo soit de facto considéré comme un produit culturel). En effet, le Crédit d’impôt en faveur des métiers d’art, institué à titre temporaire pour les années 2006 et 2007, a pour destinataires des secteurs aussi variés que ceux de la bijouterie, de l’horlogerie, du jouet ou encore de la lunetterie.

E.S.

Sources :

Agence française pour le jeu vidéo

Droit & jeux vidéo

2 commentaires:

Jo a dit…

Bon courage pour votre blog :)

Ce qu'il faut savoir c'est qu'au niveau des jeux vidéos "issus de culture française" seules les grosses licences locales marchent et seules les 2 "entreprises françaises à l'origine" Ubisoft et Atari/Infogrammes s'y intéressent.

Le problème est que derrière cela se cachent des intérêts privés: en clair le licenseur s'en met plein les fouilles en négociant sa licenceet faire un seul jeu Astérix, par exemple, n'est pas rentable :).

De plus travailler avec des licenseurs n'est pas toujours agréable, au niveau créatif et gestion il y a 0 marges de manoeuvre..

www.themediafactory.fr

Rick a dit…

héhé j'étais sur que le spécialiste que tu es viendrait apporter quelque chose. merci pour tes éclaircissements et bon courage aussi pour votre blog ;)