mercredi 28 novembre 2007

Selon un récent article du Figaro, le jargon high tech demeure allergique au français, de telle sorte que l'on n'est pas prêt de voir "arrosage" remplacer "spam", "frimousse" se substituer à "smiley", "fenêtre intruse" laminer "pop up" ou encore "causette" renverser "chat". Imaginez: "les nouvelles frimousses font faillir le messager de Microsoft Réseau, j'en ai vraiment marre de cette T.A.M. (toile d'araignée mondiale) qui fonctionne jamais!". Ridicule? C'est pourtant pour que nous puissions nous exprimer ainsi (joie) que se bat la CSTIC, "Commission spécialisée de Terminologie et de Néologie de l'Informatique et des Composants électroniques" (vous vous demandiez où vont vos impôts..).

Car c'est un fait, l'anglais a envahi le langage informatique, quoique nous autres Français nous en sortons avec les honneurs: parmi les termes qui se font la guerre, on note au coude à coude ceux qui forment les couples "télécharger" - "downloader", "logiciel" - "software", "pièce jointe" - "attachment file" (forcément, ce dernier est plus dur et moins classe à prononcer).

Que penser de tout cela? La défense de la culture française et de la francophonie doit-elle atteindre un tel niveau d'exigence? L'histoire de beaucoup de langues est évolutive et certaines langues s'inspirent de termes issus d'une langue étrangère quand ceux-ci expriment avec une certaine exactitude un concept bien précis (cow boy, hippie, etc.). Le monde de l'Intelligence économique n'est d'ailleurs pas en reste: lobbying, coaching, sponsoring, phishing, etc. Le terme même d'"intelligence" est issu d'une traduction hasardeuse de l'anglais (puisqu'il s'agit plutôt de renseignement). Pourtant, cela n'empêche pas les pays anglo-saxons de considérer la France comme un pays fondamentalement cutlturel. L'auteur de ces lignes considère donc la mission du CSTIC excessive dans sa tentative d'application à Internet de la loi Toubon de 1994.

La linguiste française Henriette Walter affirme que plus des deux tiers des mots anglais sont d'origine française. De plus, les anglais ne rechignent pas à emprunter le vocabulaire français, qu'il s'agisse de conversations sérieuses ("Damn God! We're suffering a Coup d'Etat!", "Touché!") ou de choses plus légères ("Bless Meetic! I've got a courteous rendez-vous with the handsome Foulques", "Vouley vous couchey avec moi ce soiw?"). Pas de quoi être jaloux, donc.

Le véritable problème concernant les langues en France me paraît plutôt être la voie que l'école (au sens large: de la maternelle à l'université) prend concernant leur enseignement. Il fut flagrant, il y a quelques années, de constater à quel point un lycéen de Vancouver maîtrisait bien mieux le français que nous autres franchouillards ne balbutiions l'anglais (cela dit, notre langue est également officielle au Canada, y compris dans sa partie anglophone). Quelques années plus tard, l'IEP de Grenoble autorisait les étudiants étrangers à mentionner leur statut afin de bénéficier d'une notation plus clémente examens, alors qu'aucune différence n'était faite entre un autochtone et un "foreign student" à UBC (University of British Columbia, Vancouver): le niveau d'exigence n'est pas le même, et nous risquons de prendre du retard. Nos dirigeants veulent un français fort au niveau international? Qu'ils commencent, à coups de réformes, par imposer un apprentissage plus rigoureux des langues (française ou étrangères).

Sinon voilà à quoi nous risquons d'aboutir: cadeau.

N'hésitez pas à laisser un commentaire sur notre "bloc-notes"... by the way.

E.S.

2 commentaires:

Alice a dit…

Si les francophones se braquent et n'intègrent pas les traductions littérales que cette chère CSTIC se tue à essayer d'imposer, il n'en reste pas moins que leur ouverture naturelle aux langues a du chemin à faire et, dans cette dimension, ils sont à l'image de la CSTIC. Ce phénomène reflète une espèce de repli identitaire national qui a lieu quand la conscience collective nationale se sent menacée par une présence extérieure assujettissante, dans ce cas l'omniprésence culturelle américaine. Cependant,la grandeur et la puissance d'un pays ne peuvent être développés que par une dynamique positive et expansive et non pas par une attitude de repli. En outre, une réponse administrative centralisée n'est pas adéquate à des stratégies d'influences linguistiques. A la question oú passe nos impôts la réponse est: dans des structures inaptes, inefficaces, qui révèlent l'incompréhension des nouveux conflits, des nouveaux acteurs et des nouvelles armes.

The MagPie a dit…

je suis tout à fait d'accord avec votre conclusion... commençons par réintroduire les bases du bon français à l'école. Nous devrions par exemple remettre l'orthographe à l'ordre du jour... Quand à la tendance à l'anglicisation, laissons les langues vivre leur vie ! On ne pourra empêcher les français de parler "franglais", et les anglais d'adopter le style "britfrenchy" !